samedi, 29 novembre 2008
Segalen, un type d'extrême-droite ?
Hier nuit, après ce long après-midi de radio lévi-straussienne, je me replonge dans le Magazine littéraire de mai qui fut consacré à l'anthropologue centenaire, histoire de me rafraîchir dans la Pensée sauvage à travers une contribution de Philippe Descola qui n'est pas loin de me faire revenir à l'approche très concrète d'Héraclite quand il nomme les tensions que perçoivent nos sens.
Souvent, dans mes feuilletages de revues, je laisse tomber des pans entiers ; cette fois-là, je m'étais procuré le magazine pour Lévy-Strauss et j'avais totalament effacé de mon intérêt le Festival Étonnants Voyageurs qui se déroule en mai — je crains que ce ne soit devenu qu'une immense braderie de bouquins à touristes. Justement, il y avait un débat entre le père fondateur du festival et un écrivain égyptien sur le thème de la chose voyageuse
Je suis tombé en beau milieu d'article sur ceci qui m'aurait assommé aussi radicalement qu'un coup de bôme de vieux gréement, si j'avais été à bord.
Le Magazine littéraire :
Le poète Victor Segalen a poussé loin l’aventure de la rencontre de « l'autre ». Il s'est identifié aux anciens Maori dans Les Immémoriaux, aux Chinois de l'époque impériale dans Stèles...
Michel Le Bris :
« Segalen est un cas d'exception. Si on prend Jack London, Robert Louis Stevenson, qui eux aussi ont fait le voyage vers la Polynésie, les mers du Sud, etc., Victor Segalen est très particulier. Il a des positions qui sont pratiquement celles de Le Pen politiquement. Il est d'extrême droite. Sa théorie littéraire en procède directement. Il dit par exemple qu'il faudrait maintenir une partie de l'humanité à l'état de bétail pour le profit de l'autre. On a fait un certain temps l'éloge de la différence extrême, la différence finit par nier ce qui fait l’unité du genre humain. C'est l'inverse de Stevenson...»
Débat avec Alaa El Aswany,
Les écrivains voyageurs sont-ils au bout du chemin ?
in Le Magazine littéraire, n°475, mai 2008, p. 16
Que je sache, ces quelques lignes n'ont suscité aucune réaction.
Donc, ou Le Bris a raison et sur quels textes de Segalen fonde-t-il son assertion ?
Ou c'est une réaction dépitée face à l'échec de sa notion de "littérature-Monde" à la française, dont la mayonnaise ne prend guère ?
Ou encore manifeste-t-il son aigreur de Celte qui échoue à se hisser aux côtés de l'ancêtre — c'est bien connu par ici : un Breton, une Bretagne, deux Bretons, deux Bretagnes ?
Et ça devient une querelle de paroisse. Le tout, venant d'un ancien "mao" reconverti...qui a quelque mal à digérer les littératures dites, ou engagée, ou d'introspection anorexique et claustrophobe, ou jeux de langage ?
Bon, je n'ai pas ...encore lu les œuvres complètes de Segalen ; je ne vais point m'atteler à cette tâche aux seules fins de vérifier la justesse de l'assertion. Je demeure avec mes petits bouts de sens saisis dans mes lectures qui me font assurer que Segalen est des premiers à avoir dénoncer les égarements de la colonisation et tenter de tirer l'exotisme vers une esthétique du divers.
Sans doute est-ce là l'ambivalence ? l'ambiguité et ses dangers ?
Je suis bien aise de n'avoir point dû à monsieur Le Bris d'aimer les littératures voyageuses. Je précédais son festival de quelques années, sinon de quelques décades.
Bon, toute cette affaire, ça va finir par faire : trois Bretons, trois Bretagnes !
16:27 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
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