samedi, 22 novembre 2008
« Ar Mizioù Du »
Ar Mizioù Du, les mois noirs des Bretons: nous y sommes. Ma treille a perdu ses dernières feuilles dorées. Le ciel est bas, lourd, gris.
Mais je me prépare à planter pour les étés à venir un mûrier-platane, le Morus kagayamæ.
À la Sainte-Catherine
Tout bois prend racine.
Je ne peux m'empêcher de me redire les deux premiers vers de la fable de La Fontaine :
Un octogénaire plantait.
« Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge ! »
Le père d'une amie qui est aussi ma voisine de la Bouguinière disait, lui :
«Vénérable vieillard, je te dois cet ombrage ! »
Fi des plantations ! le "jardin" du lecteur demeure tout autant anarchique en ce début d'automne : la valse hésitante entre le Pierre Reverdy de chez Seghers, le post-exotisme de Volodine et de ses hétéronymes — Pessoa ayant enfin un émule — et Mallarmé, poète et philosophe.
Et je n'écris point de mes plans d'écriture : Algériennes qui se traîne dans les derniers soubresauts et tumultes de l'année 1961, l'hommage à l'homme du Lycosthène qui fut mon compagnon d'adolescence, quand, hors des joutes littéraires dévolues aux premiers de la classe — il plaidait pour Voltaire et je défendais Rousseau, j'étais l'horrible Don César de Bazan et il était Ruy Blas, il était Don Carlos et j'étais Hernani — nous découvrions dans la "clandestinité" que nous imposaient les Bon Pères, les Symbolistes et Décadents dans une anthologie dissimulée entre le "Bailly" et le "Gaffiot", dont les textes troublaient nos élans missionnaires.
Ainsi Albert Samain :
Vers l'archipel limpide, où se mirent les Iles,
L'Hermaphrodite nu, le front ceint de jasmin,
Épuise ses yeux verts en un rêve sans fin ;
Et sa souplesse torse empruntée aux reptiles,
Sa cambrure élastique, et ses seins érectiles
Suscitent le désir de l'impossible hymen.
Et c'est le monstre éclos, exquis et surhumain,
Au ciel supérieur des formes plus subtiles.
La perversité rôde en ses courts cheveux blonds.
Un sourire éternel, frère des soirs profonds,
S'estompe en velours d'ombre à sa bouche ambiguë ;
Et sur ses pâles chairs se traîne avec amour
L'ardent soleil païen, qui l'a fait naître un jour
De ton écume d'or, ô Beauté suraiguë.
Ainsi Pierre Louys :
Ses yeux purs abaissés réverbèrent sans fin
L'incolore nombril comme une étoile éteinte
Elle tient dans ses doigts extatiques et bleus
Au pli vierge du sexe un lotus fabuleux
Le même écrivait à Mallarmé qu'il nommait "Maître" :
Nous aurons coupé pour le plus pur silence
Sous vos pieds créateurs les roses de la nuit
Décidément, la semaine à venir ne peut être que mallarméenne.
17:39 Publié dans les diverses, les lectures | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
L'héréronymie lusophone ne s'arrête pas à Pessoa. Quelque part dans un petit coin du pays de Retz, entre dunes et vent se cache un poète solaire, rigoureux et lumineux …
Nés à Johannesburg ou dans le Durban de Pessoa (quel hasard !), les hétéronymes de Virgilio ont connu avec lui la prison coloniale, se sont aimés, l'un est mort de n'avoir su quitter le sol africain.
Ami de Borges et Césaire, Virgilio écrit aussi en français :
Pas de triomphe des hommes
Sur l'histoire. Loin de tout
Discours dominateur !
Ma poésie peut-elle
Libérer l'histoire ?
L'île où son regard
A vu le jour
Peut-elle séduire
Le désastre de l'homme ?
Virgilio de Lemos
L'écart du temps (2003)
Mais, me disait récemment un poète nantais :
Votre ami ne serait-il pas un hétéronyme de Pessoa ?
Écrit par : PatBDM | dimanche, 23 novembre 2008
Merci, PatDDM ! Voilà bien justifié l'usage du "bloguer et commenter".
Pourriez-vous proposer une biblio, même brève, de Virgilio de Lemos ? Et de ses hétéronymes....
Écrit par : grapheus tis | lundi, 24 novembre 2008
En attendant une note plus complète sur Histoire et histoires,
et après recolement !
une biblio rapide de Virgilio de Lemos
Virgilio de Lemos
Né en 1929 sur l'île d' Ibo au Mozambique
Bibliographie
En portugais :
A mais bela viagem pelo mar dans Eroticus moçambicanus (anthologie 1944-1963) Rio de Janeiro 1999
Negra Azul, Instituto Camoes Centro Cultural Português, Maputo 1999
Ilha de Moçambique (a lingua é o exilio do que sonhas) AMOLP, Maputo 1999
Para fazer um mar, Instituto Camoes, Lisboa 2001
Lisboa, oculto amor, Minerva Editora, Coimbra 2004
En Français :
Aux éditions Le bel été :
La saignée de l'indicible (1980-1983) 2005
L'écart du temps (2003) suivi de Impressions des Indes (1991) SD
Aux éditions La Différence (qui éditent aussi Pessoa) :
Objet à trouver, cycle de Noirmoutier (1984-1985) cycle d'Ibo (1959) traduit du portugais par Américo Nunes 1988
L'obscène pensée d'Alice suivi de Corps d'éclats, corps défaits 1989
L'aveugle et l'absurde, cycle New York (1985) cycle de Noirmoutier 2 (1987-1989) 1990
Journal de prison (extraits) dans Présence Africaine N° 54 1965
Contributions :
Anthologie africaine et malgache, 1962
Revue Présence africaine N° 57 1966
Poésie d'Afrique au sud du Sahara 1945-1995 Anthologie Actes-Sud / Unesco 1995
Lisbonne n'existe pas, éd. Le Temps qu'il fait 1999
J'aime aussi :
Ni Freud, ni Lacan n'ont dormi, ni toi
Lilly, Mimmi, Olga
dans des draps viciés avec des femmes
sans inconscient ou des hommes
émotifs comme les papous.
Parmi nous personne n'arrache à l'autre
le masque de faux moine fausse nonne.
Vodka à la main, Freud vitupère Wallon
qui hausse les épaules en écoutant Mozart.
Shakespeare et Sade claquent la porte
et me rejoignent au bistrot du coin.
Et vous, irrévocablement belles, mes soeurs,
hésitant entre le scandale
et l'interprétation des rêves.
Objet à trouver cycle de Noirmoutiers 1 1988
La biblio des hétéronymes est plus complexe,
je consulte le maître
Écrit par : PatBDM | mardi, 25 novembre 2008
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