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samedi, 09 décembre 2006

un beau soir, à la Roche

Jeudi, je m'en fus à la Roche pour entendre François Bon lire Michaux. J'en suis revenu heureux doublement : un Bon en vrai corps, en vraie voix, en vrai sourire.
Un Michaux lu et relu depuis cinquante ans, mais entendu comme une première fois, ; j'ai beaucoup, beaucoup aimé ce dire en transe, scandé par un souffle et, plus en arrière la pulsation sourde d'un rythme cardiaque. Une juste ambiance sonore pour un Michaux qui écrivit aussi : «..comme on traîne un landau sous l'eau».


Quand je suis arrivé à la tombée du jour dans les parages de la bibliothèque municipale, le premier homme rencontré fut Louis Dubost avec qui nous avons évoqué les compagnons de haut-bord : Roger B., Étienne G.
Louis, très grand "petit" éditeur de L'I'(DÉ)E BLEU(E), mais aussi trop discret poète de L'Ile d'elle*.
Je me suis souvenu avoir animé avec lui, fin des années 70, une soirée autour de la poésie, dans je ne sais plus quelle maison de quartier.
Les Yonnais ont parcouru un bon bout de chemin jusqu'à ce colloque Michaux. Il est vrai que Cathy, Florian, Gwenael et d'autres ont, depuis cette enclave d'écriture qu'est la Maison Gueffier, élargi l'horizon.

Il était dit que ce "sacré" Bon me permettrait de renouer des liens très anciens : dans la cohue chaleureuse du pot qui suivit la lecture de Michaux : Bernadette et Jean-Damien Chéné.
Toujours ce petit miracle des durables amltiés. Dernière rencontre, dans les derniers jours de 1986, sur les quais de Port-Joinville (j'y traînais mes bottes de marin, même l'hiver ; depuis je me suis assagis !). Jean-Damien, dix auparavant, chômeur au sortir de l'Université — déjà ! — pris comme assistant dans des stages qui n'étaient pas encore des "ateliers" d'écriture, Jean Damien édité par Louis quand celui-ci faisait tourner sa ronéo entre 77 et 82, éditant alors "pour le plaisir et aux dépens d'un amateur" :

Louis. Tu es décidément l'éditeur de ce banc de textes. Tu m'assignais la braise :l'eau fit préemption. En un instant, la Loire eut ses inondations, puis se retira.
Éprouver dans mon sable la trace insistante de mots, cela m'irritait, m'émeut. Je n'y décelais que marée décharnant mes fossiles. c'est en amont, ce sont des pieux, où s'épavent mes effilochés. C'est dans la vase, humus et limon : résurgences, mes mots.**


Merci, François. Voici ce que cette soirée, qui n'était une venue à ta lecture de Michaux, m'a offert par surcroît.
J'ai failli te crier "chiche" quand pour clôre tu proposas à l'assistance que nous passions la nuit à lire l'œuvre complète de Michaux. Mais tu avais atelier le lendemain matin et, moi, je devais regagner mes rives de Loire avant la tempête de l'aube.
Aurais-je aimé un moment encore, de toi, un texte apaisé, pour entrer dans la nuit :

Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l'étrave, ou si l'on veut, dans l'écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.

Dans l'attelage d'un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l'haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Sur les tapis des paumes et leurs sourires,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

Emportez-moi in Mes propriétés




* Louis DUBOST, L'Évidence d'elle (précédé de) L'Ile d'elle , éd. Le Castor Astral, 2000. Pour moi, un de ses plus beaux recueils.
** Jean Damien CHÉNÉ, résurgences, mes mots, Le Dé bleu, 1982, (édition ronéotée).

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