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jeudi, 16 mars 2006

Que plorant dessor la peitrine...

J’avais écrit une note, hier soir.
Perdue, cette nuit dans les dédales étranges de “Hautetfort”.
Toujours cette fâcheuse coutume de publier directement sans passer par le bon vieux traitement de texte et l'utilisation, après le dernier mot, d'un tout aussi bon vieux copier-coller.

Il y était question, non point de funérailles - c’est demain que nous accompagnons, “copains d’abord”, Claude, pour son dernier désert - mais très trivialement du plein de la cuve de fioul que les frimas prolongés de l’hiver épuisent, du retard du livreur, de la plainte d’Hécube penchée sur le corps brisé d’Astyanax, son petit-fils - oui, oui, le fils d’Andromaque ! - que célèbre Euripide dans les Troyennes, plainte péniblement traduite et dont j’ignore, vu mon absence, à l’atelier de Grec ancien, le nombre de faux-sens et contre-sens commis, il y était question, écrivais-je, de la découverte d’une autre plainte, le beau et poignant lamento d’Énide.
Je me refusais d’en donner la traduction, toujours terne, quand l’extrême concision du vieux français fait merveille et en dit tant plus.

(Que plorant dessor la peitrine
An chieent les lermes sor lui,
Et dist :] "Lasse, con mar m'esmui
De mon païs! Que ving ça querre?
Bien me devroit sorbir la terre,
Quant toz lî miaudre chevaliers,
Li plus hardiz et li plus fiers,
Li plus biaus et li plus cortois,
Qui onques fust ne cuens ne rois,
A del tôt an tôt relanquie
For moi tote chevalerie.
Donques l'ai je honi por voir ;
Nel vossisse por nul avoir.


Je ne suis point un fan de Chrétien de Troyes qui affadit trop, par morale et chrétienne et courtoise, la fort libertaire “matière de Bretaigne”. Augustinien en diable(!), le clerc tonsuré de Marie de Champagne aurait-il lu et médité le Père de l'Église ? Sa tonsure ne le contraignait point à tant de prudrerie ! La lamentation qu'il met dans la bouche d'Énide est à nouveau, aujourd'hui, allègrement niée par notre "Faites l'amour, pas la guerre !".
Mais se mettre en goule :

Lasse, con mar m’esmui
De mon païs ! Que ving ça querre ?


c’est d’un autre bonheur que

Malheureuse, que j’ai eu de malchance !
Loin de mon pays, que suis-je venu chercher ici ?


Pour avouer tout, je ne me hasarderai point à traduire - quoique ! - mais je ne refuse pas le conseil d'une honnête traduction de cet Érec et Énide.

...A del tot an tot relanquie
Por moi tote chevalerie.

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