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mercredi, 29 juin 2005

De Gijon

Blogue de Biscaye
au port de Gijon, le 27 juin 2005


...pour l’âme timide, le petit voyage est aussi formidable que la longue exploration pour la grande âme. C’est intérieurement que s’accomplissent les voyages ; et les plus hasardeux, est-il besoin de le dire, s’accomplissent sans qu’on bouge d’un pouce. Mais le sens du voyage peut flétrir et mourir.

Henri Miller
Le colosse de Maroussi

« J’habiterai mon nom », fut ta réponse aux questionnaires du port.

Saint-John Perse
Exil

Je n’infligerai point aux lectrices et lecteurs la fastidieuse énumération du livre de bord avec ses horaires, son loch, ses caps vrais, ses vents.

Nous sommes à bord depuis le 13 juin. Une paisible dernière nuit en Vilaine et l’écluse était passée le 14 juin.
Deux jours entre Höedic et Houat pour que Hl. et Br. s’amarinent avant la traversée du Golfe.

Hoëdic avait retrouvé son atmosphère de naguère, un rien dépravée entre une dizaine de campeurs “babas” aux regards éteints et l’équipage d’un vieux gréement en goguette, qui s’était - l’équipage - sans doute trop désaltéré à la bière-Picon de la “Trinquette” : les dames s’étaient “lâchées” et les messieurs tentaient de leur faire garder un reste de dignité.

À Houat, l’air est toujours plus digne et les îliens se partagent toujours entre celles qui envoient leurs enfants à l’école “libre” et celles qui les envoient à l’école laïque, entre ceux qui vont au bistrot et ceux qui n’y vont point. Je n’ai jamais recoupé les critères. Je suis allé saluer Léone, notre cuisinière de naguère quand nous réalisions nos formations de photographes-animateurs avec l’Institut national d’Éducation populaire de Marly ; elle m’accueille toujours avec un large sourire. Nous avons fait nos dernières vivres chez “Rémy”, le boulanger qui recuit son pain une seconde fois, pour qu’il tienne mieux en mer.

À 13 heures nous larguions le corps-mort et à quarante minutes plus tard nous embouquions à la pleine mer le passage du Béniguet : le cap Péñas était à 255 milles ...nautiques, cap au 210 ; Ribadéo à 287 milles au 220.
Souvent, lors de nos croisières côtières, j’ai rêvé en franchissant le Béniguet de plonger dans le sud. Cette fois, ce fut la bonne.
Le vent léger d’ouest-sud-ouest nous a lâché sous Belle-Île et jusqu’au milieu de la première nuit, ce fut du moteur dans une mer hachée.
Traditionnel coucher de soleil sans nuages, donc sans magnificences, mais de beaux dégradés des oranges aux rouges pour s’atténuer dans des mauves et verts.
Quelques bateaux de pêche croisés au large de Yeu pendant le quart de Br.
Le vent n’est revenu qu’au petit matin par l’est-nord-est, pendant le quart de Hl.

Br. qui prétendait avoir le mauvais sort nous pêche des maquereaux. Préparés en papillotes au sel et à la moutarde par Hl. qui suit fort bien la tradition culinaire et maritime de Nicléane, sa mère ; ils sont toujours le régal des premiers jours de mer.
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Dauphins, une fois fois, deux fois trois fois.
Golfe désert.
Seconde nuit, claire, de pleine lune. Le vent de nordet est plus soutenu, 4 à 5 Beaufort : nous avons pris un ris dans la grand’voile pour passer une nuit paisible.
Golfe désert.
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Le 18 juin, le vent adonne au suet ; la météo nous annonce une rotation à l’ouest avec un renforcement pour l’après-midi. Le ciel se couvre par l’ouest. À 15 heures, le vent tourne effectivement et monte : Dac’hlmat allonge la foulée. À 17 heures, c’est du 20-25 nœuds d’ouest. Prise de ris et réduction de génois ! Nous maintenons le cap sur Ribadéo à 60 milles dans le suroît, mais le cap est serré et la mer se hache. Dac’hlmat passe fort bien à 5 nœuds dans ce méchant clapot qui va devenir vite inconfortable.

La météo de 20 heures nous confirme le passage perturbé jusqu’au petit matin ; à 20 heures 15, l’équipage se concerte ; le principe de plaisir, qui demeure nôtre, nous fait fait abattre sur Gijon qui est à 50 milles dans notre sud-sud-est. Vent de travers entre 25 et 30 nœuds, Dac’hlmat fonce à huit nœuds.
Hl. relèvera les trois éclats du cap Peñas à minuit. La mer s’apaise. À 4 heures, nous arrondirons la digue des Asturies.
Belle est Gijon dans ses lumières nocturnes !

Des Villes hautes s’éclairaient sur tout leur front de mer, et par de grands ouvrages de pierre se baignaient dans les sels d’or du large.

Saint-John Perse
Amers

Hl. et Br. ont débarqué depuis deux jours après avoir croisé entre Gijon et Luarca sous des ciels asturiens nuageux, mais tellement plus cléments que la canicule française.
Je suis seul à Gijon. J’attends Nicléane, Noémie et Célia, mes deux petites-filles.
J’aime beaucoup l’opulence tranquille de ce port asturien.
La darse est européenne : pavillons britanniques, allemands, hollandais, polonais même, français, assortis parfois du “Gwen ha Du”, le pavillon breton. Sous le pavillon dr courtoisie espagnol, j’ai monté celui des Asturies : croix d’or sur fond bleu, avec l’alpha et l’oméga
J’ai, en guise de viatique de lecture, entre autres livres, le Colosse de Maroussi d’Henry Miller que m’a laissé Hl., et Saint-John Perse.
Ce dernier, ce ne sont pas les circonstances marines qui me l’ont fait glisser dans mon sac, mais le simple fait qu’après Joachim Du Bellay , c’est le n°35 de la collection Poètes d’aujourd’hui que j’avais acheté en 1959 ; il est d’ailleurs accompagné du n° 65, Serge Éssénine. Retour aux poètes de ce temps ?
Mais il faut bien avouer que proférer du Perse en dévalant les houles du Golfe, c’est d’une belle et longue jouissance :

Et c’est un chant de mer comme il n’en fut jamais chanté, et c’est la mer en nous qui le chantera :
La Mer, en nous portée, jusqu’à la satiété du souffle et la péroraison du souffle,
La Mer, en nous, portant son bruit soyeux du large et toute sa grande fraîcheur d’aubaine par le monde.
Saint-John Perse
Amers

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Post-scriptum :
Vous n’avez pas tout à fait échappé au livre de bord.
N’hésitez point, cependant, à utiliser la rubrique “commenter”, non pas pour le commentaire de ce qui est écrit, mais parce que nous pourrons ainsi avoir de vos nouvelles et que le blogue me semble autre manière d’expérimenter l’échange de nos courriels.

Commentaires

amitié aux marins, et souvent des nouvelles? !
signé: les blogueurs immobiles...

Écrit par : FBon | jeudi, 30 juin 2005

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