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dimanche, 28 novembre 2004

Au sortir de la douleur

“Toute cette douleur... au moins, est-ce que ça apaise de la nommer ? “

Oui ! Amie !
La nommer, mieux l’écrire, la rend portable - comme on dit “porter le deuil”.
Tu sors le regard lavé de l’inessentiel. Du moins pour un temps.
Tu réapprends la bonté.

Pour tenter d’éclairer l’énigme, il faut reprendre la glane. Dans les livres, sur les écrans, sur les ondes. Dans la présence si tendre de la compagne de mes jours. Dans les regards des amis, dans la chaleur de leurs mains, sur leurs lèvres hésitantes.

France Cul, le 5 octobre de cet an, diffusait un entretien de Michel Foucault avec Claude Bonnefoy, entretien mis en ondes par des comédiens.

« Tant qu’on n’a pas commencé à écrire, écrire paraît la chose la plus gratuite, la plus improbable, presque la plus impossible, celle en tout cas à laquelle on ne se sentira jamais lié.
Puis il arrive un moment - est-ce à la première page, à la millième ? est-ce au milieu du premier livre, ou ensuite, je l’ignore - on s’aperçoit qu’on est absolument obligé d’écrire. Cette obligation vous est annoncée, signifiée de différentes façons. Par exemple, par le fait qu’on est dans une très grande angoisse, dans une grande tension, lorsqu’on n’a pas fait, comme chaque jour, une petite page d’écriture.
En écrivant cette page, on se donne à soi-même, on donne à son existence, une espèce d’absolution : cette absolution est indispensable pour le bonheur de la journée. Ce n’est pas l’écriture qui est heureuse, c’est le bonheur d’exister qui est suspendu à l’écriture.
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On écrit pour arriver au bout de la langue, pour arriver par conséquent au bout de tout langage possible.
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On écrit aussi pour n’avoir plus de visage, pour s’enfouir soi-même sous sa propre écriture. »

Accompagnant Philippe Forest, - de lui, j’ai lu à la fin de l’été L’enfant éternel, des pages qui se lisent, les yeux emplis de larmes - accompagnant donc cet homme de l’autre côté du monde, il me donne à lire dans Sarinagara une longue, lente médidation sur l’énigme qu’inaugure un poème de Issa

monde de rosée
c’est un monde de rosée
et pourtant pourtant


Forest propose comme une interprétation de ce “et pourtant pourtant”
cependant


Et en écho, comme un appui qui ne résoud point, mais approfondit le questionnement, les guitares de René Char :

Merci, et la Mort s’étonne ;
Merci, et la Mort n’insiste pas ;
Merci, c’est le jour qui s’en va ;
Merci simplement à un homme
S’il tient en échec le glas.

21:55 Publié dans Les graves | Lien permanent | Commentaires (0)

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