vendredi, 05 décembre 2008
j'ai fait l'école buissonnière
Prenant le tram de bonne heure et sous une pluie battante, je devais aller aux Chantiers pour suivre le cours hedomadaire de Grec ancien ; je n'avais traduit que les trois premières lignes d'un texte de Lysias, c'est-à-dire peu travaillé.
À la hauteur du pont de Pirmil, j'ai décidé de "sécher" le cours et de renouer avec une bonne vieille pratique enfantine que j'avais par deux fois mise en œuvre quand n'ayant pas appris mes leçons et oublier mes devoirs, je craignais les foudres d'un instituteur que je n'aimais pas et qui ne m'aimait guère : faire l'école buissonnière.
Et c'étaient journées de liberté entre le Jardin des Plantes — d'où le plaisir buissonnier — les camelots de la rue de la Marne bordée par les interminables et hautes vitrines des Grands Magasins Decré et le Celtic, antique salle de cinéma de la rue des Carmélites, rebaptisé récemment Le Cinématographe.
Hors la paresse pour traduire Lysias, aucune commune mesure avec la situation de l'écolier de jadis, sinon d'affirmer pour le plaisir du pas de côté, ce que Nicléane m'a renvoyé le midi, quand je lui ai "avoué" l'écart, un attrait certain et constant pour célébrer l'éloge de la fuite.
Je ne suis pas allé au Jardin des Plantes, je ne suis pas entré au Cinématographe. Je suis entré à la Fnac et j'ai feuilleté, deux heures durant, quelques bouquins que je n'acheterai pas, amusant comme ce "Chers imposteurs" de Bothorel qui éreinte Onfray, Sollers et autre B.H. Lévy — mais ce ne sont que coups de pied au cul entre lettrés —, inintéressant comme cet "Art de bien veillir" d'un certain Anselm Grün — lire et relire de préférence "L'Art de vieillir", tout court, de John Cowper Powys, émouvant comme celui de Françoise Hardy, "Le désespoir des singes et autres bagatelles" — un titre comme l'air de certaines de ses chansons (mon côté fleur bleue) et d'autres de philosophie et d'histoire dont les titres et auteurs m'échappent désormais.
Je suis quand même ressorti de la Fnac avec, ce qui est rare, un livre sur lequel deux modestes colonnes du Monde, signées de Nicolas Truong, avaient, vendredi dernier, attisé ma curiosité, très insatisfaite des avatars politiques que nous vivons ces jours : La Double Pensée : retour sur la question libérale de Jean-Claude Michéa. C'est inédit, en poche, ça ne coûte que 9 € et ça décape. Enfin, moi, j'y vois plus clair !
C'est très libertaire, radical, "orwellien" et paisible.
« La volonté orwellienne de réenraciner le projet socialiste dans les valeurs tradionnelles de la common decency* se situe... aux antipodes du moralisme qui caractérise les idéologies du Bien. » (p. 157).
Je suis allé ensuite rue de la Fosse, chez mon librairie préféré, retirer la Correspondance de Mallarmé. Les correspondances éclairent souvent aussi bien, sinon mieux que les commentaires critiques?
* Common Decency traduit habituellement par "honnêteté élémentaire" ou bien "décence commune".
16:51 Publié dans Les blogues, les lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michéa, libertaire, orwell