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jeudi, 01 février 2007

Chronique portuaire de Nantes XXXIX

Du commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1706. — CAMPAGNES DE JACQUES CASSARD EN 1706.

Durant toute l'année 1706, Jacques Cassard, toujours à bord du Saint-Guillaume, prit et rançonna un nombre incalculable de navires ; et très rapidement, le capitaine nantais, inconnu la veille, se plaça au premier rang des hardis marins de notre histoire.

Pendant ses différentes croisières en 1706, il amarinait ou rançonnait : la FLEUR-DE-MAY, le JAMES, I'EXPÉDITION, le DOUFF, le RECOVERY, la CATHERINE-ET-ÉLIZABETH, le FORT-DE-WICK, la CORONATION, le JEAN-DE-SALTES, le ROBERT-ET-JEAN-DE-SALIONS, l'ÉLIZABETH, la MARTHE, le GUILLAUME-BT-JEAN, un autre JAMES, le LIBAN, le JACQUES-ET-ARTHUR, et la MARIE-MARTHE (1).


LE CORSAIRE LE "COESARD".

Le corsaire nantais le Coesard, ou César, — pour employer une orthographe un peu moins archaïque, — frégate de 150 tx. et 164 h. armateur la Bouillère, cap. David Cazala, de Bayonne, sortait de la rivière de Nantes, le 29 novembre 1706, pour une campagne de Course.

Le 9 décembre, il amarinait I'ÉLISABETH, de Londres, sur les côtes d'Irlande ; puis la CATHERINE, également de Londres, qu'il ramenait dans le Morbihan. Le 7 février 1707, il faisait voile vers le Sud, amarinait un petit Anglais chargé d'oranges et de fruits confits ; et quelques jours après faisait la rencontre d'un riche galion espagnol désemparé et prêt à couler bas, l'équipage exténué ne pouvant suffire à manœuvrer les pompes. La France était alors en paix avec l'Espagne ; aussi le César s'empressa-t-il de porter secours au galion, mit son propre équipage aux pompes et l'escorta jusqu'à Cadix, où l'armateur espagnol témoigna sa reconnaissance en versant 70.000 francs au capitaine Cazala et 14.000 piastres à son équipage.

Le César s'apprêtait à quitter Cadix lorsque le roi Philippe V, menacé par les Anglais de Gibraltar, mit l'embargo sur les navires de son allié le roi de France et réquisitionna le capitaine et l'équipage du César pour la défense des forts de Cadix.

Après quelques mois de ce service abhorré de « terriens », contre lequel les braves marins nantais durent plus d'une fois tempêter, la liberté de partir leur fut enfin accordée, et le 3 novembre 1707, les matelots du César, virant joyeusement au cabestan, hissaient à poste les ancres de bossoir et déployaient les voiles depuis longtemps ferlées de leur frégate. Les grandes nappes blanches soudainement détachées des vergues ralinguèrent indécises le long des mâts, puis s'enflèrent nonchalamment, et le vaisseau, cédant à leur influence, fendit les vagues et mit le cap sur la rivière de Nantes. Les Nantais, heureux de sentir de nouveau chanter dans les agrès cette plainte de la brise si agréable aux oreilles des marins, comptaient bien d'ailleurs réparer en chemin le temps perdu ; ce fut vite fait.
Le 14, ils amarinaient la JULIENNE, d'Amsterdam : puis, la FEMME-DE-LONDRES, et la CATHERINE, de Londres, qu'ils enlevaient le 20 février 1708, En mars, le César s'emparait du DEKBY, de Dublin ; de l'Hollandais le SAINT-PAUL, et le 31, du CHERCHELL-GUELLY, de Jersey, et de la ZUZANNE, de Londres. Le 16 mai, le César prenait chasse devant un gros vaisseau anglais qui le poursuivit pendant toutes les journées du 16 et du 17, et auquel il n'échappa qu'en jetant par dessus bord vingt-neuf canons, ses ancres, deux mâts de hune, onze barriques et toute sa cuisine, fourneaux et marmites. Enfin, en juillet 1708, il rentrait en Loire, riche de marchandises, mais pauvre de matériel, après avoir fait neuf prises en cinq mois de campagne active.

Ses aventures n'étaient pas encore terminées, toutefois ; car, à peine ancré dans la rade de Paimbceuf, une révolte éclatait à bord au sujet du règlement des prises. Les soldats et flibustiers du corsaire, la plupart étrangers, tombèrent à coups de hache sur l'équipage et le capitaine, qui n'échappa à la mort que grâce à l'intervention et à la poigne de l'aumônier, le dominicain Jean Le Roy. A la suite de cette rixe, le capitaine et douze hommes furent obligés d'entrer à l'hôpital de Paimbceuf pour y faire soigner leurs blessures (2).


TEMPÊTE EN LOIRE.

Tous les chroniqueurs et annalistes de Nantes rapportent que, — en 1705 suivant les uns, en 1706 suivant les autres, — un épouvantable ouragan passa sur Nantes et la région. Sur la rade de Paimbœuf, avant-port de Nantes, tous les navires brisèrent leurs amarres et plus de quarante furent fracassés. L'un d'eux fut jeté par les vagues et le vent dans un jardin entouré de murs ; et un second fut poussé si avant dans les terres que l'on dut creuser un canal pour le ramener en Loire. Pendant un an la rivière fut à peu près impraticable, obstruée qu'elle était d'épaves et de débris ; et les pertes occasionnées par ce sinistre furent évaluées à plus de trois millions de francs (3).
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(1) S. DE LA NICOLLIERE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, pp. 15-17.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 78 et suiv.
(3) MACÉ DE LA VAUDORÉ, Dictionnaire de Nantes, p. 248,
GUÉPIN, Histoire de Nantes, p. 347.
GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 153.
MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 247.