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samedi, 19 mars 2022

Quand s'en est allé mon "vieux copain"

le 17 mars 2022, précédé du mercredi 9 mars
(vraiment, entre parenthèses : IL aurait pu attendre le 19 mars, jour de la Sant Jobek et du cessez-le-feu d'une certaine guerre).

...Mais non, Jobic s'en est allé fort paisible le 9 mars à midi...

Et le 17 mars, nous avons déposé sur son corps, l'accompagnant dans le feu, le tapuscrit de son bouquin Baniane, une Algérie fraternelle. Il l'avait saisi de ses propres mains. C'était nous approprier le rite funéraire des Dogons qui brisent l'outil du mort afin qu'il devienne l'ANCÊTRE vivant,  l'Antecessor, celui qui précède, d'abord attesté, non comme  lointain aïeul, mais comme terme commun au sens de « éclaireur ».
L'Ancêtre comme un éclaireur !
Ce que les Dogons nous disent, c’est cette exhortation fraternelle : 

« Et si c'était de notre ressort à nous, les encore vivants, de continuer nos morts bien au delà du simple et pieux souvenir ? D’entretenir à travers nos enfants et les enfants de nos enfants, la force vitale et les vertus qui animaient  les actes de ce aïeul en allé ! »

Au bord des larmes, la gorge nouée, j'ai tenté de lire ce qui suit :

 

 

Ce sont sans doute ...quelques lignes lues... par hasard...
sur une page déchirée et tombée d'un roman déjà ancien
ou d'un journal intime, perdu par je ne sais trop qui. 

Il y a déjà plus de soixante ans de cela.

S’est-il écoulé un mois, deux mois depuis notre venue à Biskra. Un matin quasi printanier comme tous les matins biskris, Christian et moi achevons la tournée des commerçants, fournisseurs des activités de nos Centres Sociaux Éducatifs.

Entre la place Béchut et la rue des Ouleds-Naïls, Christian salue une jeune femme, mince, jolie brune au léger accent aquitain ; il me présente à elle et mentionne l’existence de Rabéa, ma compagne Algérienne, ce qui paraît susciter très vite l’intérêt de la jeune femme que mon compagnon appelle Colette.

Quand nous nous séparons, Colette nous adresse, pour le soir même, une invitation, me précisant :
« Bien sûr ! J’espère que vous serez accompagné de votre femme ! »

Quand elle s’est éloigné, Christian y va de son commentaire : « Colette est l’épouse de Jo Saouter, le receveur des Contributions. C’est un couple généreux, accueillant ; mais autant elle, est discrète, mesurée, autant il est grande gueule, emporté mais passionnant et bon. C’est un Breton, de ceux qu’on appelle les chrétiens libéraux. Ils sont en Algérie depuis 1952. Ils étaient en poste à Soukh-Ahras et étaient dans la sphère des prêtres de la Mission de France, ceux qui furent condamnés et expulsés d'Algérie en 1956. Jo est un homme généreux, mais il n’est guère prudent et clame fort à tous coins de rues ses idées sur la libération de l’Algérie. L’OAS aimerait bien lui faire la peau, elle a tenté par deux,  d’ailleurs... Si tu le rencontres en ville, ne t’étonne pas de sa faconde et tu as des chances de lui être sympathique. »

Le soir même, nous nous retrouvons dans l’appartement qu’habitent les Saouter avec leurs trois enfants : une jolie rousse toute bouclée, une ravissante brunette et un garçon d'un an à peine, vif et rieur. Rabéa est ravie de ces enfants.

C’est une très longue histoire qui commence.  

Elle ne s'achève pas encore aujourd'hui.

 

Continuant la tradition des Dogons, j'ai brisé un second outil de travail. un simple crayon, cet outil qui nous sert encore, à nous, alphabètes lettrés du monde occidental, pour acquérir, produire et diffuser les savoirs, un outil modeste mais qui fait tant défaut à nombre de nos compagnons du Sud.

Je n'ai pas eu encore l'audace de briser un ordinateur, fut-il portable...! Ça me sera peut-être possible un jour.
 

 

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