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lundi, 30 mars 2020

en ces jours de "confinemant" un très ancien récit

 

 C’était un jour de l’an 1087 ...
Un jour qui jusque là était semblable aux milliers qui l’avaient précédé et avaient vu l’empire de Wagadu au travail

Là bas, derrière les montagnes verdoyantes, le soleil agonisait.
Le ciel s’assombrit devint gris cendre, puis couleur de latérite.
“ Les oiseaux aquatiques se hâtèrent vers les marais “.
Les pilons des femmes se figèrent dans les mortiers.
Les djembés des chasseurs ne se firent plus entendre dans la profonde forêt.

Les crapauds cessèrent de s’interpeller. Il fit noir, noir.
Les hyènes hurlèrent et les hiboux leur firent écho.
Les lions rugirent et les chiens abandonnèrent la garde des troupeaux.
Les éléphants terreux barrirent et s’enfuirent vers les hauts plateaux qui s’effondrèrent.

Pendant que les animaux et les choses transmettaient leur message de détresse, un brouhaha confus se fit.
Le vent gémissait dans les bois et par endroit, la terre s’éventrait et crachait des flammes géantes .

              

 Les vieilles commères, prises de frayeur et blotties au fond des cases, interrogèrent l’oracle.
Est-ce un séisme ?
Est-ce la trompette de l’apocalypse qui sonne le glas de l’empire ?
Mais l’oracle lui-même, personnage bizarre (mi-humain, mi-animal), fortement commotionné, ne savait plus parler.
Le code de sa science occulte se noya dans la torpeur corrosive qui l’étreint.

    

 Sous un ciel terrifiant, mus par l’odeur du sang et de chair humaine, seuls les vautours planaient sur Coumbi, capitale de l'empire dont la splendeur en ce soir chaotique ternissait telle une fleur qui se fanait sous un soleil ardent impitoyable.
Coumbi était méconnaissable et funeste. Et ses monarques et ses habitants perdirent l’usage du verbe.

                            

 Soudain, un cri démentiel, guttural, qui ne saurait être celui de l’homme, venu de la vallée des hiboux, se fit entendre et fit trembler toute la terre du Wagadu. Il arracha les toits des cases, déplanta les arbres, fit crouler les collines et tint tout en respect. Il était si imposant, si lourd de signification ce cri, que seul l’oracle pouvait l’interpréter. Et, comme par miracle, celui-ci se réveilla de sa léthargie, il marcha, marcha, marcha, vers le palais royal, arrivé au pied de la muraille, il se prosterna, se releva et dit :

“Ô Caya Mangha!, Ô tunka du Wagadu !”

Voici qu’un garçon présomptueux, pris par la folie de l’amour, vient de sonner le glas du peuple Soninké en profanant et en abattant “Biida“ le dragon du puits sacré.
“Biida“ le veilleur de l’empire depuis les temps immémoriaux, détenteur du secret de la richesse fabuleuse du Wagadu !

 Ce qui arma le bras du jeune homme téméraire, Hamady Safankhoté, était d’empêcher sa fiancée, la belle Siya Yatabaré, belle comme un clair de lune, d’être la victime de “Biida“ cette nuit même, selon la tradition rituelle de l’empire.

 Ô Cayan Makhan ! Tunka du Wagadu,
toi seul, dans ta puissance, savais que “Biida” était mon frère-jumeau et que nous communions par l'esprit. Il est mort. Donc je vais mourir. Mais mon dernier message à transmettre est ceci:

Cayan Makhan, pendant sept longues années, la pluie ne tombera. Pas une seule herbe ne poussera sur l’étendue de ton empire. L’or qui fut la puissance de ton empire disparaîtra.

Cayan Makhan, pendant sept longues années,
ton peuple ne connaîtra que la guerre avec son cortège funèbre de malheurs.

 Cayan Makhan, les fils du Wagadu seront les éternels migrants,
ton peuple sera disloqué et élira domicile sous d’autres cieux plus austères, où ils construiront des édifices qu’ils n’habiteront jamais, jamais, jamais..."

 

Une nuit de saison sèche, me fut contée cette légende, il y a trente ans, au bord du Fleuve, par le Soninké, homme de Bakel qui était mon ami, LASSANA DIARA.

 

Le Wagadu est le nom véritable de cet empire
que nous, voyageurs blancs sortis des brumes, nommions Empire du GHANA.

vendredi, 27 mars 2020

l'entrée dans la quatre-vingt cinquième année

 

Naissance 1936 - copie.jpg

A-t-il sciemment faussé l'année de naissance ?

jeudi, 19 mars 2020

19 mars 1962

Fin d'une guerre !

Ce sera à lire dans les derniers pages d'un bouquin qui paraîtra au mitan de ce printemps.

Mais au 19 mars 2017, il y eut cette belle personne

20200215_122824.jpg

qui, ce 19 mars 2020, me donne un fort grand bonheur.

dimanche, 08 mars 2020

repentir

REPENTIR, n.m. (1170); de se repentir
.....................................................
Peint. (1798). Changement apporté, correction faite en cours d'exécution (à la différence du Repeint, fait après coup). « Toutes les bribes de crayonnage, tous les ratages, tous les repentirs, tous les essuie-pinceaux du peintre » (GONCOURT) — Par ext. les repentirs d'un dessin, d'un manuscrit. « Les ratures et les repentirs » (BAUDEL.).
......................................................

petit ROBERT, 1973

 

 

Apronenia001.jpg

Hier à "Bouguenais bouquine", présentant Retours d'histoire de Benjamin Stora, je n'ai pu m'empêcher de dire ma désolation de n'avoir point lu de romans depuis quelques années. Sinon mes relectures des cinq, six, sept auteurs que je fréquente depuis la fin de mes adolescences. 
Ma modeste diatribe — la note précédente — contre les aigreurs "écrivaines" de deux de mes romanciers préférés ne doit pas retarder une prochaine réouverture des pages de La Presqu'île et des Eaux étroites, des Tablettes de buis d'Apronenia Avitia et de Tous les matins du monde.

À moins que feuilletant au hasard les huit tomes des Petits Traités, je ne tombe sur le XXXIIe, Liré qui relate, en ses ultimes paragraphes, mon grand premier poète, celui de mon enfance, un certain Joachim Du Bellay mourant...

 

 

 

De Julien GRACQ
La Presqu'île
Les Eaux étroites

De Pascal Quignard
Les tablettes de buis
Tous les matins de monde
Petits traités

mercredi, 04 mars 2020

fallait-il donc publier "les terres du couchant" ?

Bizarre après-midi de lecture débutant par ce feuilletage critique des terres du couchant, Louis Poirier insérant dans les 258 pages d'un texte qui aurait sans doute dû demeurer au fond d'une malle les pages 75/93 qui sont pages anciennes d'un texte autrement plus mystérieux, les pages 14/31 de La Route, qui ouvre la Presqu'île, lue en 1970.

Premières lignes :

Ce fut, si je m’en souviens bien, dix jours après avoir franchi la Crête que nous atteignîmes l’entrée du Perré ; l’étroit chemin pavé qui conduisait sur des centaines de lieues de la lisière des Marches aux passes...

Dernières lignes :

...Je me souviens de leurs yeux graves et de leur visage étrangement haussé vers le baiser comme vers quelque chose qui l’eût éclairé — et le geste me vient encore, comme il nous venait quand nous les quittions, avec une espèce de tendresse farouche et pitoyable, de les baiser au front.

La Route, qu'en 2006, Louis Poirier avouait être "comme le vestige unique d’un livre mort parce qu’il n’avait “pas choisi, pour l’attaquer le ton juste...” Et pourtant quelle fascination dans cet incipit qui annonçait un immense western, une épopée à la Tolkien ou à la ...Homère.

Pourquoi, comment ai-je glissé de ce qui pour moi, avait été certes une déception, mais aussi une porte si largement ouverte à de fascinantes rêveries, vers ces pages odieuses de Lettrines II quand Louis Poirier, dit plus noblement (?) Julien Gracq, relate les leçons de piano, que tout enfant il prenait chez les demoiselles Quignard, demeurant rue Barème à Ancenis, dames esseulées d'une bourgeoisie exténuée, pages qui révolteront le neveu d'icelles, un certain Pascal Quignard ?

Pourquoi Gracq des années après, soixante-sept ans qprès, enfonçait-il le couteau dans la plaie d'un destin malheureux ?.. Il est possible que Gracq ait voulu répondre à la détresse de son enfance...
Le fils du mercier de Saint-Florent qui s'appelait Poirier, désira s'annoblir du nom de Gracq.
Moi, le neveu des musiciennes pauvres, je gardais le nom pauvre, le nom dédaigné par les riches autochtones de Saint-Florent-le-Vieil, des organistes Quignard...
Le fils du mercier de Saint-Florent portait monocle et se prenait pour un aristocrate...

Et le lecteur de rouvrir Leçons de solfège et de piano du susdit lequel en ce même bouquin, réglant ses comptes de descendant d'une bourgeoisie ancienne avec l'ascendant d'une nouvelle bourgeoisie de négoce, mentionne heureusement — le lecteur s'éloigne des aigreurs écrivaines (!) — en des pages d'un superbe pédantisme,

Paul Celan,qui l'incita à traduire du grec Alexandra, qui est aussi Cassandre, le poème de Lycophron,
Héraclite  : φυσις κρυπτεσθαι φιλει — la nature aime à se cacher
et Zénon : φιλος αλλος εφη εγο — il dit que l'ami est un autre JE — Zénon qui en chutant se brisa le doigt et se précipita dans la mort....

Et me voilà donc pour la première fois dans Zénon par le truchement fort savant de Diogène Laërce qui écrivit, il y a quelques dix-sept cents ans  en dix livres, Vies et doctrines des Philosophes illustres.

Abandonnant sans regret les terres du couchant, je reprends La Route.

 

de Julien GRACQ
La Presqu'île, José Corti, Paris 1970
Lettrines 2, José Corti, Paris 1974
Les terres du couchant, éditions Corti, Paris 2014

de Pascal QUIGNARD
Leçons de solfège et de piano, Arléa, Paris 2013
Lycophron et Zétès, Poésie/Gallimard, 2010

d'HÉRACLITE
Fragments, Presses Universitaires de France, Paris 1986

de DIOGÈNE LAËRCE
Vies et doctrines des Philosophes illustres, La Pochotèque, Le Livre de Poche, 1999