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mercredi, 29 novembre 2017

rencontrer les Néréides nues ? possible même en navigation virtuelle

Ne suffit point de lire les Modernes et les Antiques, encore nous faut-il naviguer !

 

la Moderne
Yourcenar

……il retournait inlassablement à l'endroit où s'était passée l'apparition : il y a là une source où les pêcheurs viennent quelquefois se fournir d'eau douce, un vallon creux, un champ de figuiers d'où un sentier descend vers la mer. Les gens ont cru relever dans l'herbe maigre des traces légères de pieds féminins, des places foulées par le poids des corps. On imagine la scène : les trouées de soie dans l'ombre des figuiers, qui n'est pas une ombre mais une forme plus verte et plus douce de la lumière ; le jeune villageois alerté par des rires et des cris de femmes comme un chasseur par des bruits de coups d'ailes ; les divines jeunes filles levant leurs bras blancs où des poils blonds interceptent le soleil ; l'ombre d'une feuille se déplaçant sur un  ventre  nu ; un sein clair, dont la pointe se révèle rose et non pas violette ; les baisers de Panégyotis dévorant ces chevelures qui lui donnent l'impression de mâchonner du miel ; son désir se perdant entre ces jambes blondes. De même qu'il n'y a pas d'amour sans éblouissement du cœur, il n'y a guère de volupté véritable sans émerveillement de la beauté.

 

Marguerite Yourcenar
L'homme qui aima les Néréides
Nouvelles Orientales
L'Imaginaire, Gallimard, 1963.


Et parmi ces cinquante filles de Dôris aux beaux cheveux et de Nérée dit le Vieillard parce qu'il est véridique et bienveillant, j'en ai élu plus de vingt

L'Antique,
Hésiode

Εὐδώρη - Eudôrè - La Généreuse
Γαλήνη - Galènè - La Paisible
Γλαύκη - Glaukè - L'Étincelante
Κυμοθόη - Kymothoè - La Tumultueuse
Εὐνίκη - Eunikè - L'Apaisante
Μελίτη - Mélite - La Miellée
Εὐλιμένη - Euliménè - L'Accueillante
Νησαίη - Nèsaïe - L'Insulaire
Ἀκταίη - Achtaïè - La Riveraine
Κυμοδόκη - Kymodèkè - La Bienveillante (la Brumeuse)
Κυματολήγη - Kymatolègè - L'Apaisante
Κυμώ - Kymô - La Houleuse
Ἠιόνη - Hèïonè -L'Attentive
Ἁλιμήδη - Halimède - La Rêveuse
Γλαυκονόμη - Glaukovomoè - La Lumineuse  (l'Irradiante)
Ποντοπόρεια - Pontoporèïa - La Marine
Λειαγόρη - Léïagorè - La Calme (La Paisible Diseuse)
Αὐτονόη - Autonoè - L'Opinâtre
Λυσιάνασσα - Lysianassa - La Déliante (La Libératrice)
Ψαμάθη - Psamathè - La Sableuse Infinie
Νησώ - Nèsô - L'Ilienne
Νημερτής - Nèmertès -L'Infaillible (La Véridique)

mardi, 28 novembre 2017

de Cendrars, un clin d'œil ornithologique

Au cœur de ces nuits de novembre quand la nostalgie s'épand en larmes de tristesse et d'inconsolation, me lever et dans un ciel pur, l'œil enfin redevenu nu après soixante-dix années de lunettes, reconnaître dans le sud-suroît, ORION, comme la main coupée de Cendrars.

Ouvrir, à l'heure matinale de gel, son Lotissement du ciel *, y lire les étonnantes vocalises de ce merle des tropiques à l'œil "effronté", cet arc-en-ciel qu'est le sept-couleur

 Quand l'oiseau est pressé de faire ses vocalises il se précipite sur le sol, se vautre dans la poussière, est pris de danse de Saint-Guy, ce qui le fait pivoter deux ou trois fois sur soi battant des ailes semi-rigides, puis il se renverse sur le dos, ouvre un large bec et comme en extase laisse jaillir de sa gorge qui se gonfle et qui palpite sous l'effort un renâclement, un gargarisme, un sifflement de soupape engorgée qui lâche de la vapeur, et retentit soudain le coup de sifflet strident d'une locomotive lancée à toute vitesse, coup de sifflet qui s'étrangle, accompagné de bruits de poitrine, et l'extase du sept-couleurs s'achève selon le degré de résistance des cordes vocales et les capacités de l'individu soit en une longue cascade de rires, soit en un râle déchirant, soit en une suite de sanglots.

et quelques pages plus loin, quand, à l'ouverture d'une boite à chapeaux maternelle, voltige une volière ébouriffante,

Post-scriptum pour les âmes sensibles. — Quand ma mère est morte, en 1907, on trouva dans ses cartons et ses boîtes à chapeaux des panaches, des aigrettes, des couteaux, des toupets, des paradis, des touffes de coq noir, genre bersaglier, et de coq blanc, genre casoar, des plumes de coq de bruyère en bouquet, des brochettes de colibris, des toques, des manchons de lophophore, des crêtes de huppe, du duvet de cygne, des plumes d'autruche, de la poule faisane, des colombes et des mouettes, des bengalis, des gorges de pigeon et jusqu'à une tendre perdrix.

Voici quelques notes ornithologiques qui, sans dissiper le gris de l'âme, amènent le sourire aux lèvres.

 

 

*Blaise Cendrars, in Le Lotissement du ciel, Le jugement dernier, p.10 et 14-15

jeudi, 23 novembre 2017

ainsi chaque année

Depuis cinquante et trois ans, quand revient novembre le lancinant

 

Avec (celle) que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. Qu’en est-il alors ? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s’ouvre pour lui livrer passage. (La) voici à notre hauteur, puis loin, devant.

À l’heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d’énigme, soudain commence la douleur, celle de compagne à compagnon....


René Char
L'éternité à Lourmarin