mardi, 28 novembre 2017
de Cendrars, un clin d'œil ornithologique
Au cœur de ces nuits de novembre quand la nostalgie s'épand en larmes de tristesse et d'inconsolation, me lever et dans un ciel pur, l'œil enfin redevenu nu après soixante-dix années de lunettes, reconnaître dans le sud-suroît, ORION, comme la main coupée de Cendrars.
Ouvrir, à l'heure matinale de gel, son Lotissement du ciel *, y lire les étonnantes vocalises de ce merle des tropiques à l'œil "effronté", cet arc-en-ciel qu'est le sept-couleur
Quand l'oiseau est pressé de faire ses vocalises il se précipite sur le sol, se vautre dans la poussière, est pris de danse de Saint-Guy, ce qui le fait pivoter deux ou trois fois sur soi battant des ailes semi-rigides, puis il se renverse sur le dos, ouvre un large bec et comme en extase laisse jaillir de sa gorge qui se gonfle et qui palpite sous l'effort un renâclement, un gargarisme, un sifflement de soupape engorgée qui lâche de la vapeur, et retentit soudain le coup de sifflet strident d'une locomotive lancée à toute vitesse, coup de sifflet qui s'étrangle, accompagné de bruits de poitrine, et l'extase du sept-couleurs s'achève selon le degré de résistance des cordes vocales et les capacités de l'individu soit en une longue cascade de rires, soit en un râle déchirant, soit en une suite de sanglots.
et quelques pages plus loin, quand, à l'ouverture d'une boite à chapeaux maternelle, voltige une volière ébouriffante,
Post-scriptum pour les âmes sensibles. — Quand ma mère est morte, en 1907, on trouva dans ses cartons et ses boîtes à chapeaux des panaches, des aigrettes, des couteaux, des toupets, des paradis, des touffes de coq noir, genre bersaglier, et de coq blanc, genre casoar, des plumes de coq de bruyère en bouquet, des brochettes de colibris, des toques, des manchons de lophophore, des crêtes de huppe, du duvet de cygne, des plumes d'autruche, de la poule faisane, des colombes et des mouettes, des bengalis, des gorges de pigeon et jusqu'à une tendre perdrix.
Voici quelques notes ornithologiques qui, sans dissiper le gris de l'âme, amènent le sourire aux lèvres.
*Blaise Cendrars, in Le Lotissement du ciel, Le jugement dernier, p.10 et 14-15
15:41 Publié dans Cendrars en bourlingue | Lien permanent | Commentaires (0)
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