mercredi, 17 février 2016
justesse de Quignard
Quand Quignard se mêle de n'être plus abscons — ce qu'il est parfois à longueur de lignes — il peut être, hellénisant, d'une fine justesse : ainsi citant Plutarque, dans la Gloire des Athéniens *, il mène, dans la dernière Note du livre ci-contre, une réflexion sur peintres — ζωγράφοι, zôgraphoi — et écrivains (aèdes, poètes, historiens ?) — λόγοι, gens du verbe — à propos de l'histoire en se centrant sur les deux participes du verbe "devenir, s'accomplir" : le participe présent, γινομένας, devenant, s'accomplissant, et le participe passé, γεγενημένας, étant devenus, s'étant accomplis.
ἃς γὰρ οἱ ζωγράφοι πράξεις ὡς γινομένας δεικνύουσι, ταύτας οἱ λόγοι γεγενημένας διηγοῦνται καὶ συγγράφουσιν.
Les peintres montrent les événements comme s'accomplissant, les historiens les racontent et les écrivent comme s'étant accomplis.
Il ajoute de suite :
L'Histoire, c'est la mort qui crie.
Cette courte publication est annoncée étant la transcription d'une conférence sur la peinture antique rédigée en sept notes. Il est à remarquer que le titre "Sur l'image..." reprend une forme dont Plutarque use fréquemment pour titrer ses œuvres.
N'est-ce point l'aigu dilemme de ces jours que nous vivons, nous mortels du XXIe siècle, entre l'image et le mot :
L'image voit ce qui manque.
Le mot nomme ce qui fut.
* PLUTARQUE, Œuvres morales, Si les Athéniens se sont plus illustrés à la guerre que dans les lettres, III.
Quignard condense avec belle vigueur en Gloire des Athéniens le titre du traité du Grec.
La couverture du bouquin est "sortie" d'une fresque de Pompéï montrant Merméros, l'un des enfants de Médée, jouant aux osselets.
11:44 Publié dans les autres... arts, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.