dimanche, 27 avril 2014
enchevêtrement des lectures
Depuis une semaine.. ou deux, des livres qui se mêlent sur la table parce qu'ils sont parus en poche — enfin ! — et que cela va bien pour la bourse du lecteur qui s'avance dans l'âge de l'heureuse inactivité.
Depuis novembre, il y avait la grosse Philosophie, anthologie de Foucault, pour le savoir, le pouvoir, l'éthique. Pour l'archéologie, la généalogie. Pour les discontinuités, les ruptures radicales et cette venue tant attendue de l'usage des plaisirs, du souci de soi. Michel Foucault et son effort de penser autrement.
Sont donc arrivés s'emmêlant, s'enchevêtrant, se heurtant,
Le sexe ni la mort, trois essais sur l'amour et la sexualité de André Comte-Sponville, l'Éros, la Philia, l'Agapè pour l'archéologie,
Les Freudiens hérétiques, contre-histoire de la philosophie t.8 de Michel Onfray pour les ruptures,
Les Désarçonnés de Pascal Quignard qui pratique et l'archéologie et les ruptures dans les serres philosophiques des trois précédents, Quignard qui naguère — en 1995 — écrivit Rhétorique spéculative, belle généalogie de la tradition lettrée antiphilosophique qu'il fait remonter à Fronton le Romain — il eût pu remonter à Homère et Héraclite — et que lui-même pratique depuis quarante ans à travers ses romans, ses essais, ses petits Traités, ses contes. Les Désarçonnés si désarçonnants dans l'horreur en ses premières pages que j'ai failli en déchirer et brûler le premier feuillet et ne plus poursuivre au delà de ce chapitre 1.
L'alternance des quatre compères ébranle souvent la table du lecteur. Alors, je feuillette, sur la même table qui porte cet enchevêtrement, un point fixe : un certain Après le livre de François Bon qui lui aussi est d'archéologie, de généalogie et de ruptures.
Doublement lu, parfois dans ce bon vieux support du codex, parfois sur l'iPad, dernier merveilleux petit avatar des tablettes d'Uruk — mes compagnons de bel ouvrage me surnommaient "le Mac'Intosh'iste forcené".
Ne fut-ce que pour évaluer quotidiennement la bonne jouissance qu'évoquait Barthes : que ce soit sur papier, que ce soit sur écran, "on ne saute jamais les mêmes passages".*
Les jonquilles se fanent, les seringas embaument, j'attends la nouvelle lune pour semer mes graines de tomates en godets.
Dans le vent de suroît, paisiblement Dac'hlmat tire sur ses amarres...
* Barthes écrit :...(ßonheur de Proust, d'une lecture à l'autre, on ne saute jamais les mêmes passages.)
Le plaisir du texte, p.22, paru au Seuil, en février 1972. Qui sur l'étagère n'est plus un livre mais un amas de 109 feuillets.
18:58 Publié dans Foucault pour l'ἐπιμέλεια ἑαυτοῦ, les lectures, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
"Les Désarçonnés" : moi aussi, j'attendais qu'il parût en poche. On pourrait se contenter d'en dire — clin d'œil du côté de chez Barthes : "Quignard, c'est Quignard." La redondance catégorique suffit aux inconditionnels, qui lui pardonnent même ses faiblesses et ses tics d'écriture. À côté de Quignard, Philippe Muray ( "Rejets de greffe" ), que je connaissais très peu et dont j'aime les emportements, les partis pris — pas toujours exempts de mauvaise foi —, le désenchantement. Et, pour la poésie, Umberto Saba et Mario Luzi : charme inépuisable et profondeur de la poésie moderne italienne... Que serions-nous sans les livres, sans "les mots des autres" ?
Écrit par : C.C. | mercredi, 30 avril 2014
Les commentaires sont fermés.