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samedi, 11 janvier 2014

retour au sonnet

Avec cette glane nocturne, cueillie le temps que se chargent les Grandes Heures d'Anne de Bretagne, dans le premier écran de Gallica au rayon des nouveautés ePub.
Un Flamand inconnu avec son obstinance et son antiphonaire : c'est diablement symboliste et plus sombrement décadent. Artaud aurait parlé de « bric-à-brac ». Ezra Pound, pour qui le symbolisme était l'acte de naissance de la poésie moderne, de « l'odeur de talc » d'une époque qu'il estimait « glauque et nacre.»
Je suis nostalgique de ces soirées hivernales d'études, où lasse des versions grecques et latines, mon adolescence rêvassait dans ces luxuriances surannées.

Ah ! cette obstinance tant plus belle que l'opiniâtreté !


LES PEUPLIERS

Tels des moines de deuil en bures de silence,
Au long du canal glauque et ses bords sablonniers,
Cheminent deux par deux les rudes peupliers,
Les peupliers de Flandre, immobile obstinance.

Vers les horizons gris, péniches et chalands,
Et les oiseaux de mer et les mornes nuages
S'en vont, brouillant dans l'eau qui bouge, leurs visages
Et passent sur le flot d'invisibles courants.

Mais eux restent figés depuis des jours sans nombre,
Ils restent figés là, proches des berges d'ombre.
Immenses de l'essor des lointains entrevus,

Et que leurs bras d'espoir, obstinément tendus,
S'entêtent à vouloir étreindre en baiser sombre
Pour broyer on ne sait quels désirs inconnus !



L'ANTIPHONAIRE

C'est un antiphonaire à vieille reliure,
Avec des coins de cuivre, et des fermoirs usés;
Ses feuillets autrefois furent enluminés
Par un moine savant en l'art de la peinture.

Sur le velin rugueux, mais vierge de souillure,
Les onciales d'or aux gothiques clartés
Émargent la splendeur des poèmes sacrés,
Qu'un habile pinceau transcrivit sans rature.

Un jour, dans la beauté des pompes liturgiques,
On dut ouvrir le livre, et quelque abbé mitré
Y lut, mais aujourd'hui le livre est oublié,

Et nul ne tourne plus ses pages nostalgiques
Où dort, dans la poussière intime du Passé,
L'étrange floraison des défuntes musiques !


Marcel WYSEUR 1886-1950*
La Flandre Rouge, poèmes,
Préface d'Émile Verhaeren

 



*Source : BNF - Département Littérature et Art 8-YE-9363
Notice du catalogue : catalogue.bnf.fr./ark:/12148/cb316724775
Mise en ligne : 16.09.2013

jeudi, 02 janvier 2014

bonne résolution pour 2014

 

Les avis de grand frais qui ont envahi nos cieux d'ouest portent à aller de l'avant. L'an 2014 sera donc de philosophie — le bouquin de chevet en est un gros "poche", Philosophie anthologie de Michel Foucault, un auteur disparu il y a quarante ans, dont il faut souligner l'inactualité puisqu'il semble désormais appartenir à la grande tradition philosophique occidentale. Mais ce sera l'archéologue du "Souci de soi" qui, surtout, occupera mon penser.


Il n'y a donc pas d'âge pour s'occuper de soi. « Il n'est jamais ni trop tôt, ni trop tard pour s'occuper de son âme», disait déjà Épicure: «Celui qui dit que le temps de philosopher n'est pas encore venu ou qu'il est passé est semblable à celui qui dit que le temps du bonheur n'est pas encore venu ou qu'il n'est plus. De sorte que, ont à philosopher et le jeune et le vieux, celui-ci pour que, vieillissant, il soit jeune en biens par la gratitude de ce qui a été, celui-là pour que, jeune, il soit en même temps un ancien par son absence de crainte de l'avenir.* »
Apprendre à vivre toute sa vie, c'était un aphorisme que cite Sénèque et qui invite à transformer l'existence en une sorte d'exercice permanent; et même s'il est bon de commencer tôt, il est important de ne se relâcher jamais.


 Michel Foucault
Philosophie, anthologie,
p. 747.
 
 

Le poème ne sera jamais très loin :

On ne peut pas commencer un poème sans une parcelle d'erreur sur soi et sur le monde, sans une paille d'innocence aux premiers mots.

 René Char,
 Sur la Poésie


 

* Épicure, Lettre à Ménécée.