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dimanche, 21 juin 2009

pour refermer temporairement la geste de Myrddin VI

au solstice d'été

 

Le barde, le chien ; le barbet, le barde, voyageurs de l'hiver s'enfoncent dans la forêt. Toute l'eau de la mer vient frémir dans les premières branches, celles qui sont au bord de la forêt. L'écume se fait taches et lunules sur les fûts qui montent, qui montent, et le frémissement, même, cesse d'être perçu. Se présente la clairière, la trouée dans les bois : écorce et paille souple. Deux buses lentement tournoient, se poursuivent sans paraître se voir, s'éloignent et se perdent et se dissipent, se dissipent. Derrière le serré des arbres : dents de peigne sur le bord d'un chemin forestier dont le nom n'est plus qu'éclat de rouille rongeant une plaque d'émail se cachent (ou bien je l'imagine) des visages dépourvus de regard ; immobiles, ainsi que des dieux termes.

Une longue bête pousse des cris, par intervalles. « Je fais corps avec un arbre abattu, cerné par une invisible frontière à laquelle viennent se heurter les peurs du dehors. Ici se tient Merlin l'Enchanté, au centre  d'une bulle d'air où rien n'a changé de Brocéliande.
L'ombre et la lumière se succèdent selon les immuables lois ; les générations en font autant ; mais ici, c'est toujours Brocéliande avec son nom de liane. Les villes se superposent et se recouvrent ; les plus anciennes ayant disparu sous la terre, près des morts. Mortes elles-mêmes dont parfois réapparaît l'ossature mystérieuse, arrachée à la lente aspiration vers le bas, vers le centre amorphe où les roches sont liquides et gaz. Mais ici, c'est toujours Brocéliande. »

« Viens, ma fée Viviane. Aurais-je retrouvé quelque sortilège ? » Car elle vient dans la maison de la forêt, la fille rousse ; dans la maison faite d'air. Elle est agenouillée ; son échine se creuse ; sa tête est enfouie dans ses coudes posés sur le sol ; elle présente ses fesses : deux globes partagés par la raie sublime où foisonne le poil  bouclé. Les seins remuent doucement au-dessus du tapis  de feuilles, le sang affluant aux pointes marquées d'une fossette.


Elle est extrêmement nue. La liqueur de son vagin poisse les bouclettes  rousses. Lui, promène son gland gluant, énorme, sur les fesses qu'elle écarte maintenant à deux mains. Des filaments  de liqueur sexuelle, il lui barbouille les fesses ; des feuilles sèches  s'y collent. Il lui enduit toute la raie de leurs liqueurs mêlées. Merlin, de nouveau, possède Viviane et en est possédé.
Elle lui découvre la féerie de son cul : l'anémone de son anus, le petit pont moussu, la fente ouverte d'où coule la liqueur : Viviane de chair et de feuilles. Il enduit de salive les fesses et les seins de la femme ; il la fait se mettre sur le dos et le sperme jaillit en pluie du membre tendu. Les doigts de la femme recueillent le sperme ; elle s'en frotte les seins et le nombril ; elle le porte à sa bouche ; elle frotte les lèvres congestionnées de sa vulve du mélange du sperme et de sa propre salive. Lui, salive dans la bouche de la femme : Merlin a retrouvé Viviane. Elle crache sur la coupole du gland une salive baveuse. Elle saisit dans ses mains la verge enduite de bave, et l'enfonce dans sa chevelure déployée,  constellée de feuilles : Viviane est foutue par Merlin, et de sa chair béante suinte la liqueur.

« J'ai oublié le nom de ce chemin forestier. »

 

Yves Elléouët

Livre des rois de Bretagne, 1974.

 

Quand le hasard m'a fait ouvrir L'Enchanteur pourrissant d'Apollinaire, j'avais déjà, déposé depuis quelque temps dans un dossier le texte de la note précédente, celui donc de Jacques Roubaud et ce dernier d'Yves Elléouët.

Je ne dissimule point que la sauvage crudité de ce qui se vit en Brocéliande — plus trivialement, ...ou moins savamment, en forêt de Paimpont — qui n'est que le dévoilement bien torché du rut mythique pudiquement cité dans les  grimoires par des moines sans doute obsédés, mais craintifs  et effarés devant si grande liberté femelle — « Beau doux ami, j'y viendrai souvent. Vous m'y tiendrez entre vos bras et moi vous. Je ferai désormais tout à votre plaisir. » Alors elle lui montra comment... — m'avait fort impressionné quand je découvris cette réécriture contemporaine de la Geste.

 

Le Livre des rois de Bretagne est, loin des banalités folkloriques et érudites, un torrent de mots quotidiens et fabuleux qui dit l'errance journalière d'un ancien de la Coloniale, Georges Cocaign dit aussi Troadic Cam, qui oscille au gré des comptoirs et des verres de "gwin rhu", entre le Dit d'une histoire de Bretagne qui énonce une généalogie fabuleuse, historiquement juste, de Meliaw à Conan Meiriadawc en passant par les folles chevauchées et cruelles aventures de Hoël, Judicael, Gwyomarc'h, Gurvand, Nominoë et autres, récits d'écume folle, de vents aux senteurs de varech, et les remembrances de marins et paysans retraités dérivant de bistrot en troquet et de vieilles "tout habillées de noir" :

 

« Non, madame Stéphan, assez de Cointreau pour ce soir.

— Ma pauvre Thérèse, heureusement que tu viens me voir de temps en temps, allez. J'ai bien envie d'une prise, mais je ne sais plus ce que j'ai fait de ma "touine".

— Tenez. Elle est derrière le Cointreau avec votre étui à lunettes. (Geste de tendre la tabatière en forme de sabot).

— Merci, Thérèse. Si, j'en prendrai encore une petite goutte. Si, si ! Ça fait du bien : ça me chauffe en descendant... Nous sommes bien seules, tu sais, et cette nuit, j'ai rêvé de mon mari, tu sais ; j'ai honte de dire. Il y a si longtemps maintenant...»


Et moi, lecteur, entre deux petits verres de lambig, ne sais plus aux deux tiers du livre qui, de Georges Cocaign ou de Troadic Cam, je suis devenu, ni, si celle qui me chevauche, se nomme ou Thérèse Cariou ou Viviane, si je suis au café-tabac des Bauches-du-Désert ou en forêt de Paimpont entre le Val sans retour et la fontaine de Barenton !

Allez savoir avec tous ces mots, ces vents et, désormais, ces insomnies et ces écrans !

 

Post-scriptum :

Yves Elléouët, graveur, peintre, marin pêcheur (ou l'inverse) était le mari d'Aube, la fille d'André Breton, l'Écusette de Noireuil à qui il adressait le dernier chapitre, le VII , de L'Amour fou.

Elléouët est mort deux ans après la parution, chez Gallimard, du Livre des rois de Bretagne et quelques mois avant celle de Falc'hun, son second œuvre.

 

Post-scriptum bis :

Je me demande souvent si ce diable de MyrddinMarzin en gallo, Merlin en français — ne serait pas un des marins grecs d'Ulysse, qui ,déçu  de n'être pas l'élu de Circé et ne comprenant goutte à la fuite de son patron, n'aurait point, désertant le vaisseau céphallénien, franchi les Colonnes d'Hercule pour, errant dans les brumes celtes, s'inventer cet Enchantement.

D'où le titre de la note précédente, que m'inspira Jacques Roubaud ! À penser que depuis vingt-huit siècles, TOUT se tient.

 

 

 

 

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