Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 21 octobre 2007

Lire en fête ?

"Lire en fête" un peu tristounet sur l'île de Versailles. un atelier d'écriture par ci, une bibliothèque des prisons par là, quelques liseuses pour enfants et beaucoup de "bouquinistes". Était-ce bien des bouquinistes ? Certaines et certains ressemblaient plutôt à des enfants ingrats qui venaient brader la bibliothèque de leurs vieux parents décédés. Ça sentait l'entre-deux-guerres avec des Paul Bourget, Maurice Dékobra, Paul Morand, Jacques Chardonne, pas mal de René Bazin — ô "La terre qui meurt", ô Les Oberlé — directement issus de bien-pensantes étagères vendéennes.
Quelques Péguy, Gide et Koestler réédités chez Gallimard, en collection Blanche, fin des années quarante et les innombrables Fleuve Noir, Masque Noir, défraîchis, écornés. Et encore des Bibliothèque Nelson — à onze ans, dans mon grenier de la rue Rosière d'Artois, au n°9, j'y dévorai La reine Margot et Vingt ans après.

Un petit éclat rouge : je suis tombé entre deux tomes des Oberlé sur APOLLINAIRE, dans ma chère collection Poètes d'Aujourd'hui, chez Seghers. Ce n'est pas la première édition par André Billy, n°8, mais le n°227 de mai 1975 par Daniel Oster. C'est très post-soixante-huit, entre psychanalyse et sémiotique, jeux de mots inclus, et ce, dès les premières lignes :

Au moment d'écrire sur Guillaume Apollinaire, découverte de l’apolinéarité d'Apollinaire, toujours en ligne au-dessus de lui-même. Apollinaire, le poète hors de soi, périphérique. Poésie en recherche d'apogée. Flottement, expansion, extériorisation ou évanouissement. Rarement linéaire, marginal de son propre discours. On ne peut donc parler d'Apollinaire que d'une façon apolinéaire, par-dessus, en vol, commentateur-Icare, au risque de se brûler les ailes. (Apollinaire s'écrit avec deux ailes.) Apollinaire exige que je nous tienne en respect entre terre et ciel.

Pourquoi ne m'étais-je point procuré le n°8 ?
Sans doute parce que j'ignorais encore les Seghers et qu'en 1954, déjà dans les marges de la littérature qu'on m'enseignait — et que j'aimais d'ailleurs, j'avais clandestinement dans mon pupitre de lycéen Apollinaire par lui-même de Pascal Pia, dans "Écrivains de toujours" Au Seuil (1954), glissé prudement sous le Paul Claudel de Louis Barjon aux Éditions Universitaires, maison très appréciée chez mes Bons Pères.
C'était assez éclectique, c'était mes premières démarches critiques hors des manuels scolaires et, ma foi, Apollinaire et Claudel, côte à côte, ce m'était déjà une belle harmonie des contraires. Quoique, Claudel ?
Mon achat d'hier ne fut donc que la remontée sentimentale de mes lectures adolescentes.
Il fut troublant, cet Apollinaire de Pascal Pia, ce n'était encore ni les Poèmes à Lou, ni Les onze milles verges, mais quel plus doux émoi, alors, que la prose de L'enchanteur pourrissant, soutenu par les gravures sur bois d'André Derain.

ce32980b9ebe33940cc8a41f3d7707f2.jpg
« Je suis belle comme le jardin d'avril, comme la forêt de juin, comme le verger d'octobre, comme la plaine de janvier ». S'étant dévêtue alors la dame s'admira. Elle était comme le jardin d'avril où poussent par places les toisons de persil et de fenouil, comme la forêt de juin, chevelue et lyrique, comme le verger d'octobre, plein de fruits mûrs, ronds et appétissants, comme la plaine de janvier, blanche et froide........... .
«........J'ai laissé mon castel Sans-Retour, sur le mont Gibel. J'ai laissé les jeunes gens que j'aime et qui m'aiment de force, au castel Sans-Retour, tandis qu'ils aiment de nature les dames errant dans les vergers, et même les antiques naïades.
Je les aime pour leur braguette, hélas ! trop souvent rembourrée et j'aime aussi les antiques cyclopes malgré leur mauvais œil. Quant à Vulcain, le cocu boiteux m'effraye tant que de le voir, je pète comme bois sec dans le feu. »

559b987d2f704f6a395f8889e71a3ed5.jpg

Lui ayant prêté cet Apollinaire, l'une de mes amours d'alors me l'avait rendu en rougissant. Et pourtant elle n'était point bégueule.
Donc, Apollinaire m'a enjolivé ce samedi d'un "Lire en fête" qui s'exténue — lointaine, "la Fureur"... !
Ce qu'il écrivit à vingt ans me troubla à dix-huit et m'émeut encore à....

Sur toi Hélène souvent mon rêve rêva
Tes beux seins fléchissaient quand Pâris t'enleva.

Commentaires

Une fois de plus René Char devait être bien présent durant cette fin de semaine à Pernes les Fontaines ; quelles lectures son fidèle ami Claude Lapeyre aura-t-il choisies ?

Écrit par : La Fanchon | dimanche, 21 octobre 2007

oui dà beauté d'Appolinaire.
Mais dans ton billet je suis restée bloquée sur le nom de René Bazin et dans le souvenir ahuri (du moins je l'avais été à l'époque) d'un gouter de jeunes filles (assorties de quelques possibles cavaliers) dans la salle à manger de la demeure des René Bazin (descendants) et de notre digne, et "si simple et charmante", promenade ensuite dans le pré, au bord du ruisseau, avec ces messieurs. Une expérience (années 60) !

Écrit par : brigetoun | lundi, 22 octobre 2007

C'est très "bazinesque", ton commentaire, Brigetoun ! J'aurais daté la scène de dix plus tôt !

Écrit par : grapheus tis | lundi, 22 octobre 2007

Les commentaires sont fermés.