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mardi, 14 mars 2017

une fin d'hiver printanière

Le pêcher est en fleurs, les seringas poussent leurs bourgeons, les pâquerettes "émaillent" la pelouse qui n'est plus qu'une vieille prairie heureuse. D'où le volontaire cliché de "la prairie émaillée".


J'écoute le"'Philosophe" de Haydn" par Il Giardino Armonico.


J'ai feuilleté "Une activité respectable" de Julia Kerninon, une de mes trop rares incursions dans les écritures d'aujourd'hui. Elle y narre qu'elle fréquentait toute jeunette de vieux poètes d'un "club interlope" (sic!) établi une ancienne usine de biscuits dans (sa) ville natale — qui n'y reconnaîtrait point le Lieu Unique  ? Audacieuse, cette jeunesse littéraire !

Je sors tout juste de la lecture des bouquins de vieux amis de naguère : Noé Richter et ses Institutions de Lecture Publique, Michel Chaillou et son Sentiment géographique qui favorise mes endormissements dans les vallées du Forez au XVIIe siècle où je crois bien,  je retrouve la Lumineuse de l'automne dernier qui errait, elle, aux confins des Landes d'Armagnac et du Pays d'Albret.

Je grogne en parcourant mon conscrit Philippe Sollers qui, dans son École du Mystère, cite Lucrèce lequel célèbre, dans son De rerum natura, Épicure, sans même citer le traducteur que donc je nomme, un certain José Kany-Turpin :

Humana ante oculos foede cum uita iaceret
in terris, oppressa graui sub religione
quae caput a caeli regionibus ostendebat,
horribili super aspectu mortalibus instans,
primum Graius homo mortalis tollere contra
est oculos ausus, primusque obsistere contra;
quem neque fama deum nec fulmina nec minitanti
murmure compressit caelum, sed eo magis acrem
inritat animi uirtutem, eriringere ut arta
naturae primus portarum claustra cupiret.
Ergo uiuida uis animi peruicit, et extra
processit longe flammantia moenia mundi,
atque omne immensum peragrauit mente animoque,
unde refert nobis uictor quid possit oriri,
quid nequeat, finita potestas denique cuique
quanam sit ratione atque alte terminus haerens.
Quare religio pedibus subiecta uicissim
opteritur, nos exaequat uictoria caelo.

La vie humaine, spectacle répugnant, gisait
sur la terre, écrasée sous le poids de la religion,
dont la tête surgie des régions célestes
menaçait les mortels de son regard hideux,
quand pour la première fois un homme, un Grec,
osa la regarder en face, l'affronter enfin.
Le prestige des dieux ni la foudre ne l'arrêtèrent,
non plus que le ciel de son grondement menaçant,
mais son ardeur, fut stimulée au point qu'il désira
forcer le premier les verrous de la nature.
Donc, la vigueur de son esprit triompha, et dehors
s'élança, bien loin des remparts enflammés du monde
Il parcourut par la pensée l'univers infini.
Vainqueur, il revient nous dire ce qui peut naître
ou non, pourquoi enfin est assigné à chaque chose
un pouvoir limité, une borne immuable.
Ainsi, la religion est soumise à son tour,
piétinée, victoire qui nous élève au ciel.

Lucrèce
Éloge d'Épicure
De Rerum Natura, I, 62-79

 

Je reprends ici l'intégralité de l'hommage à Épicure dont Sollers, étonnamment, ne cite que les quatre versets en gras et en... français, lui qui aime tant rallonger la sauce de ses chapitres par de nombreuses et longues citations, souhaitant atteindre chaque fois les plus de 180 pages dans ses récentes publication.

Je cesse tout bavardage, j'ai à planter rosier, fraisiers et autre échinacéa que ce matin j'ai soigneusement plongés dans un pralin de ma composition.
Je saute dans mes sabots.

mardi, 07 mars 2017

pour Noë RICHTER, in memoriam

NoRichter005.jpgLA LECTURE ET SES INSTITUTIONS


Longtemps maintenue dans l'ignorance, la masse laborieuse a peu à peu accédé au savoir et à la culture légitimes. L'instruction du peuple a d'abord été l'apprentissage d'une lecture dirigée conçue pour former de bons chrétiens, puis de bons sujets, de bons laboureurs et de bons ouvriers.
La Révolution française n'a pas renié ce conditionnement du peuple, mais sa politique éducative en a altéré le mécanisme en jetant les fondements d'une instruction populaire que la bourgeoisie conquérante a mise en œuvre au siècle suivant. Partagée entre un obscurantisme résiduel, un paternalisme bienveillant et une philanthropie agissante, la classe dominante a livré à la classe laborieuse les instruments de son émancipation. Les médiations qu'elle a exercées ont stimulé le mouvement social profond qui entraînait la masse populaire vers la conquête du savoir.
Ce mouvement a été porté par une élite autodidacte jusqu'au moment où les pouvoirs publics ont reconnu la maturité du mouvement ouvrier en accordant la personnalité juridique à ses institutions.
En replaçant la lecture ouvrière dans l'histoire culturelle de la France le présent ouvrage apporte une contribution essentielle à celle-ci. L'auteur en découvre la genèse, en retrace les développements et montre comment les fonctions et les différents courants d'un système de lecture ségrégationniste ont fini par converger et par déboucher sur la conception de la bibliothèque moderne.


NOË RICHTER.

Né à Paris en 1922, Noë Richter dirigeait la Bibliothèque universitaire du Mans où il partageait son temps entre la gestion d'un service d'éditions universitaires, l'enseignement professionnel, la rédaction de manuels techniques et la recherche sur l'éducation populaire et la lecture.
Il a passé la plus grande partie de sa carrière à Mulhouse, ville ouvrière et métropole industrielle, où s'est faite au Second Empire la rencontre de Jean Macé, éducateur populaire au meilleur sens du terme, et du grand patronat philanthropique protestant.
C'est là que Noë Richter a pris conscience des oppositions et des convergences de la culture prolétarienne et de la culture légitime. Sa pratique et sa réflexion ont fourni la matière de plusieurs ouvrages dont La lecture et ses institutions est la synthèse et le couronnement.

(4ème de couverture de La Lecture et ses institutions, Éditions Plein Chant &  Bibliothèque de l'Université du Maine, 1987)

 

Noë, en cette fin d'hiver, s'en est allé.
Il  me fut à la fois Maître et Compagnon.